Effectif détaillé airmachine / flûte / clarinette / saxophone / cor / trompette / trombone / percussions / piano / 2 violons / alto / violoncelle / contrebasse

Création EOC 

Date de création 2016

Date de composition 2015-2016

Durée 24 minutes

Editeur Babel Scores

Commanditaire commande d'état

Création le 10 Mars 2016  à LYON – MUSÉE DES CONFLUENCES

 

Conséquences particulièrement blanches ou noires concerto

Ondřej Adámek a créé avec Carol Jimenez Airmachine, un instrument polyforme activé par l’air, soufflé ou aspiré périodiquement. Airmachine est jouée en concert par un interprète (pianiste, percussionniste…) et rend une musique très précise et virtuose constituée de sons inouïs selon un rythme groovy en solo ou en combinaison avec un groupe instrumental. Divers instruments et objets peuvent être connectés à cette structure qui manifeste conjointement son et mouvement. Airmachine se produit aussi dans des installations. Cet orgue humain et organique, accumulant instruments non accordés ou accordés en micro-tonalité, donne vie à des objets. C’est le rythme des poumons qui se donne à voir et à entendre. L’inspiration, l’expiration, autant que le moment de suspens qui les articule, manifestent le souffle in extenso. Airmachine le soulève jusqu’au dernier soupir. Elle déclenche, par ses images et ses cris, des visions grotesques d’une poésie énergique.

Gaëlle Obiégly

 

 

En 2009, j’ai commencé à faire mes premières expériences en utilisant des aspirateurs comme une partie d’un instrument de musique. J’ai continué cette expérience en 2011 et co-construit cette Airmachine qui a fait partie de Körper und Seele, un projet pour chœur et orchestre abouti en 2014. En 2015, grâce à l’enthousiasme de Damien Pousset, du talent de Christophe Lebreton, de la patience de ma femme Carol Jimenez et d’un grand atelier à ma disposition à la Villa Médicis, une nouvelle Airmachine, Airmachine 2, est née. J’ai alors écrit une pièce solo à partir de mes recherches et improvisations sur l’Airmachine. Roméo Monteiro a contribué à la pièce en rajoutant des idées sonores et visuelles, et en trouvant une solution technologique permettant de synchroniser Airmachine avec la battue du chef. La pièce est dédiée à Gaëlle Obiégly et Pierre Weiss.

En fait, le défi de cette première pièce était de trouver l’équilibre entre les possibilités infinies de cet instrument et la manière de figer, noter, pouvoir enchaîner et interpréter les cellules musicales les plus pertinentes, trouvées au hasard de mes improvisations. Cette pièce solo est donc une sorte de sauvegarde de mes idées et trouvailles.

Comme il s’agissait d’une expérience inhabituelle, en même temps visuelle et sonore, dont j’étais, dans un premier temps, le seul interprète, j’ai profité de la présence de collègues artistes à la Villa Médicis ainsi que de nombreux visiteurs pour montrer ma recherche sur l’Airmachine et connaître leur perception de cet objet. Certains amis venaient régulièrement pour voir l’évolution et comme il s’agissait surtout d’artistes non-musiciens, leurs retours ont été très enrichissants. C’est d’ailleurs mon ami Pierre Weiss qui a trouvé le titre de cette pièce solo. L’Airmachine est capable de très grands contrastes en terme de dynamiques et de couleurs. On peut y connecter des instruments très sonores (comme des aérophones à membrane fabriqué avec des ballons de latex), dont la puissance rivalise avec celle d’un ensemble de cuivres. On peut, à l’inverse, brancher des instruments d’une grande douceur. L’Airmachine est capable d’une articulation très précise, courte et extrêmement véloce, tout en restant humaine – chaque instrument branché ayant une sonorité légèrement différente. Pour moi, c’est un magnifique outil pour tester certains phénomène acoustiques qu’on ne pourrait pas entendre autrement : un rythme très rapide où chaque accent a un timbre différent, un glissando très large et avec une tension émotionnelle avec la couleur des instruments à cuivres, un mélange de spectres harmoniques décalés en micro-intervalles avec un timbre de flûte, etc.

La pièce pour ensemble utilise le même matériau musical et visuel, mais plus sélectionné, plus développé et dans un parcours un peu différent.
Il fallait en effet trouver comment combiner l’Airmachine avec un ensemble instrumental puisqu’elle-même a la puissance acoustique et la variété de sons d’un petit ensemble aux instruments originaux. J’ai fait quelques essais avec la section de cuivres de l’Ensemble Orchestral Contemporain et je me suis rendu compte que leur son était trop poli, trop clean, trop juste par rapport à celui de l’Airmachine. J’ai donc cherché avec eux des sonorités plus «sauvages».

La hauteur aurait pu être un pont entre l’ensemble et l’Airmachine, car l’oreille humaine associe très vite des hauteurs qui appartiennent au même registre et crée «automatiquement» des mélodies. Mais, hélas, les hauteurs de l’Airmachine restent une surprise. Elle utilise des sons avec des hauteurs définies mais que nous ne pouvons pas accorder précisément. Alors que le rythme est parfaitement contrôlé, la hauteur et la dynamique sont laissées au hasard de la moindre variation d’air ou tension de la membrane, ce qui va complètement modifier le son.

J’ai alors cherché à rester aussi dans la partie instrumentale en dehors des hauteurs «trop justes», en utilisant beaucoup d’effets sonores, des micro- intervalles ou des clusters.

J’ai cherché longtemps la forme idéale, car j’ai eu beaucoup (trop) de matière et d’idées qui ne peuvent pas rentrer dans une seule pièce d’une durée raisonnable. J’ai finalement écrit la pièce en quatre parties.

La première est la naissance de la vie (bruit du souffle). S’ensuit un mouvement allegro – comme le cri d’un nouveau-né – dont les cellules rythmiques irrégulières dialoguent entre l’Airmachine et l’ensemble. Le troisième mouvement est une danse ternaire, lente, nostalgique, comme dans un rêve. Enfin, le dernier mouvement, plus rapide et mécanique, laisse apparaître un bruit perpétuel de valves, orchestré petit à petit par des accents de membranes au son aigu et projeté qui aboutit en une folie grotesque et se termine avec la réapparition de la respiration initiale.

Ondřej Adámek