Soulèvement(s)

Concert de créations

Il est une question récurrente qui se pose au compositeur ou à la compositrice : doit-il ou doit-elle, à travers son art, rendre compte de la vie sociale et politique ? Doit-il ou doit-elle “prendre parti” ou bien au contraire considérer que la seule voie possible pour lui ou pour elle, est de faire de l’art pour l’art ?

En ce sens, les créations du soir, signées Philippe Hurel et Emmanuelle Da Costa, associées aux oeuvres de Pascale Jakubowski et Luigi Dallapiccola, empruntent des chemins différents. Si Jakubowski établit une cartographie imaginaire constituée d’images poétiques suscitant des images musicales, Da Costa s’inspire directement de la théorie de la relativité et se joue du temps pour construire sa propre « ligne d’univers » – co-commande EOC GRAME CNCM. Avec Soulèvement(s), qui donne titre au concert, Hurel convoque Didi-Huberman, Aimé Césaire, Hannah Arendt, Abaher El-Sakka, Pinar Selek, Denys Delâge, et confie à l’extraordinaire soprano Hélène Walter le soin de « jeter sa douleur par-dessus bord » (Henri Michaux). Nul doute que Luigi Dallapiccola saura lui répondre avec douceur et contrepoint dans sa Petite musique de nuit, inspirée du poème Nuit d’été d’Antonio Machado.

Lever de rideau
Œuvres « en écho » au programme du concert, présentées et interprétées par des élèves du Conservatoire Massenet, une heure avant la représentation. Gratuit sur présentation du billet du jour.

Programme :

Tiempo di Fumo de Doina Rotaru,
Par Jasmine Trilland

Campanule” Herbier I d’Alain Louvier,
Par Gaëlle Moussier et Nina Barallon

Bacasax de Philippe Hurel,
Par Tatiana Goussarov et Benjamin Dechavannes

Shehnaï de Philippe Hersant,
Par Marie Delhomme

Duel de Pascale Jakubowski,
Par Romain Cremillieux

 

Dans Soulèvement(s) de Philippe Hurel, on peut noter, parmi les divers textes qu’on entendra, un extrait d’un poème de Siamanto (1878-1915) chanté en Arménien,  et un poème de  la poétesse amérindienne Jane Johnston Schoolcraft ou en Indien Bamewawagezhikaquay (1800 -1842),  chanté en Anglais :

Vision de la mort par Siamanto
Massacre, massacre, massacre !…
Dans les villes et hors des villes,
Et les barbares sanglants piétinent
Les morts et les mourants,
Des volées de corbeaux volent au-dessus des têtes,
Bouches ensanglantées, rires ivres…
Le vent furieux étouffe les agonisants,
Et s’échappent rapidement par les routes
Des caravanes silencieuses de vieilles femmes…
La nuit, monte la marée de sang
Esquissant des fontaines avec les arbres,
Et courent terrorisés de tous côtés
Des troupeaux chassés à travers les champs de blé incendiés…
Je vois des générations de gens abattues dans les rues,
Et les foules fuient le massacre indescriptible…
La chaleur tropicale s’élève
Des nobles villes en feu…
Et sous la neige lourde comme du marbre,
La solitude des ruines et des morts est froide…

 

Lines written at Castle Island, Lake Superior par Jane Johnston Schoolcraft

Ici, dans ma mer intérieure natale
Je fuirais la douleur et la maladie
Et de ses rivages et de son île lumineuse
Je ramasserais une réserve de doux plaisirs.
Île solitaire de la mer sans sel !
Que c’est vaste, que c’est doux, que c’est frais et libre Comme c’est transportant – la vue
Des rochers, des cieux et des eaux bleues
Unies, comme les doux accords d’une chanson
Pour dire, ici seule la nature règne.
Ah, la nature ! ici règne pour toujours
Loin des repaires des hommes
Car ici, il n’y a pas de peurs sordides,
Pas de crimes, pas de misère, pas de larmes
Pas d’orgueil de richesse ; le cœur à remplir,
Pas de lois pour maltraiter mon peuple.