Effectif détaillé flûte / cor anglais / trompette / trombone / vibraphone / glockenspiel / cloches tubes / harpe / celesta / piano / cymbalum / mandoline / guitare / alto / violoncelle
Date de composition 1964 - 1965
Durée 8 minutes
Editeur Universal Edition
La petite et scintillante partition d’Éclat (le terme signifie la brillance, les arêtes vives et tranchantes, le miroitement – mais aussi le fragment cf. Eclat/Multiples) fut saluée dans l’émerveillement un peu sceptique, le compositeur avait longtemps fait attendre ces quelques minutes de musique comme un surprenant « aérolithe musical » (Claude Rostand). De fait, l’œuvre, qui n’est pas sans évoquer le brio de certaines partitions ravéliennes, amplifie la veine « hédoniste » de son auteur, inaugurée avec Le Marteau sans maître (1955).
Elle est écrite pour quinze instruments, qui se répartissent en deux catégories : un ensemble « soliste » aux sonorités résonantes tantôt longues (piano, vibraphone, cloches), tantôt courtes (mandoline, guitare), tantôt mixtes (glockenspiel, harpe), et un « continuo » qui fait davantage fond sonore sous les figures solistes et composé de deux cuivres (trompettes, trombone) deux bois (flûte alto et cor anglais), et deux cordes (alto, violoncelle), aux sonorités plus ponctuelles qu’il faut « entretenir » le cas échéant (le rôle essentiel ici du trille).
À l’écoute, un premier équilibre de l’œuvre est clairement perceptible entre des phases actives du jeu (traits en fusées, accords, rapides interventions « en diagonale » d’une ou quelques notes) et des phases contemplatives où le son des instruments résonnants une fois émis est entendu pour lui-même, éventuellement entretenu puis conduit à l’extinction par le chef ou l’instrumentiste.
Une deuxième caractéristique d’Eclat consiste en la possibilité de permutation à l’intérieur de certaines séquences encadrées dans la partition : des interventions sonores en nombre limité (quatre par exemple) sont numérotées (de I à IV), à charge pour le chef d’indiquer au dernier moment par laquelle on commence (Il-III-IV-I, ou IV-I-II-III, etc.). Comme le tempo et les intensités de ces séquences sont également optionnels, et décidées sur l’instant, l’interprétation d’Eclat dépend directement du chef d’orchestre. ll s’agit presque d’un « concerto pour chef d’orchestre et petit ensemble ». Et même si les différentes options choisies impliquent des « parcours » peu perceptibles à l’auditeur, ce système induit une grande tension dans l’exécution – le chef « joue » d’instrumentistes confirmés comme s’ils étaient des instruments pensants –, toutes exigences qui concourent à l’« éclat » de l’œuvre.
La rencontre de ces deux données (opposition de séquences où le son est conduit et d’autres où il nous conduit d’une part, instantanéité de certaines décisions dans l’ordre des configurations, des tempi et des intensités d’autre part) conduit à une nouvelle conception du temps musical, où joue l’influence en profondeur des musiques orientales, un temps qui devient plastique, aléatoire et par instant non-directionnel.
Dominique Jameux