Création EOC ★
Date de création 2021
Les Notices du Conservatoire
Lumières cendrées, vu par Florian Véniant
Nouvelle œuvre écrite à la demande de l’EOC par le compositeur Alain Louvier, né en 1945 à Paris. Ce dernier nous invite ici à le suivre au fil de son récit personnel, éclairé par une douce lumière lunaire, terni néanmoins par « ces êtres devenus cendres ». Composition autobiographique, elle reprend la plupart de ses axes de recherches qu’il synthétise en mêlant rencontres personnelles et musicales. Elle ne nous fait pas entendre deux fois une même musique. Elle chemine et se remanie en permanence au gré de la mémoire, des souvenirs et des pensées du compositeur dont lui seul est le fil conducteur.
Vous commencerez par entendre les premières notes de la Pastorale de Beethoven qui ne vous quitteront jamais vraiment. Elles seront muées en chants grégoriens, bretons, en oiseaux, au gré du vent, comme « moteur de l’incertitude fondamentale de l’existence ». Cette composition est dense et recèle de nombreux mystères et des citations dissimulées. Ayant parallèlement suivi des études de mathématiques, les nombres et la géométrie permettent au compositeur de nouvelles recherches. Un codage numérique et alphabétique sur des éléments personnels s’entremêle avec des motifs d’apparence mélodique ou rythmique. Élève de Messiaen, il a reçu le « virus de l’inquiétude rythmique » qui consiste à ne pas enchaîner des valeurs rythmiques égales. La stabilité du temps est alors perturbée: changements de tempos et de temps forts prenant l’auditeur à contre-pied viennent perturber la belle ordonnance des souvenirs.
Cette pièce est composée pour quinze instruments solistes. Un équilibre des timbres est constamment recherché. Les instruments sont utilisés dans leurs fonctions traditionnelles mais aussi d’une manière différente avec divers modes de jeux. Alain Louvier tente également de créer une nouvelle « lumière sonore ». Des effets de timbres et des « accords-couleurs » dans un mode imparfait (majeur-mineur) irisent la pièce. Chaque instrumentiste est doté d’une percussion supplémentaire utilisée notamment lors de l’« Éblouissement », apogée de l’œuvre.
Un langage micro-tonal, c’est-à-dire l’utilisation d’intervalles plus petits qu’un demi-ton, est cultivé dans cette pièce. Les recherches du compositeur sur les intervalles lui permettent de créer surprise et dépaysement. La harpe est accordée en tempérament « heptaïque » (l’octave n’est pas décomposée en douze mais en sept sons égaux). En fin d’œuvre, son arrivée crée « un univers harmonique inouï, libéré de toute attraction et [apparaît] comme venue d’un autre monde » où seul le LA 442 Hz est commun entre le « monde ancien » et cette nouvelle sonorité. Le compositeur rend ainsi hommage à « tous les êtres qui ont illuminé [sa] vie et ne sont plus que cendres ».